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« Le scout obéit sans réplique et ne fait rien à moitié. » - [Loi scoute & Vie pro] par Thibaud Brière de la Hosseraye

La réflexion sur l’obéissance à laquelle invite cet article 7 de la loi scoute s’inscrit, dans une perspective professionnelle, dans la droite ligne de celle que nous avons développé au sujet de l’article 2 (« Le scout est loyal à son pays, ses parents, ses chefs et ses subordonnés ») et de l’article 3 (« le scout est fait pour servir et sauver son prochain »).  

L’obéissance « sans réplique » est sans conteste admirable, quand elle se fonde sur l’humble postulat que l’autre sait mieux que nous ce qu’il convient de faire. Que ce soit non pas ma volonté, mais la sienne qui se fasse. Mais il en est ainsi quand il s’agit de la volonté de Dieu, qui ne saurait errer.

 

Il obéit intelligemment

Ici-bas, dans la condition qui est la nôtre, nous sommes tous marqués par un obscurcissement du discernement, de sorte que nous ne pouvons ni ne devons, sauf cas exceptionnels, obéir aveuglément. Nous n’avons qu’un seul chef et il ne commande rien, rappelle Rémi Brague. Comment pourrions-nous prétendre nous commander les uns les autres « sans réplique », hors situations d’urgence : un aveugle peut-il en guider un autre ? Pense-t-on que la réponse à une demande, d’acquiescement, de réserve ou de refus, importe peu ?

La loi scoute ne demande pas de se taire. Le « sans réplique » de l’article 7 ne s’applique de toute évidence qu’à des ordres portant sur des sujets secondaires relatifs à la gestion du quotidien, comme une corvée de bois ou un quart de veille, et adressés à des enfants. On ne saurait le transposer tel quel à la vie professionnelle où l’objection de conscience est non seulement un droit mais parfois même un devoir. Une conscience éclairée réplique à bon escient, et c’est précisément parce qu’il a une colonne vertébrale, parce qu’il sait dire non, que le scout, avec les manières civiles qui le caractérisent, témoigne de la qualité de sa formation. Cette conscience, y compris professionnelle, doit être constamment entretenue, soignée, cultivée, car elle peut tomber malade.

Le scout sait obéir sans réplique sur les sujets, mutuellement convenus, relevant du périmètre de responsabilité de l’autorité légitime. Et il le fait d’autant moins à moitié qu’il sait aussi répliquer un claquant « non possumus » lorsque l’autorité, qu’elle soit civile ou religieuse, en vient à commander ce qui n’est pas de son ressort : à un graphiste de croire à telle valeur corporate, à un comptable de commettre un délit, à une bénédictine de se faire vacciner. Son oui est entier, franc et massif, comme l’est aussi son non, parce que c’est d’abord son cœur qui l’est, sans partage ni détour[1].

Son oui est entier, franc et massif, comme l’est aussi son non, parce que c’est d’abord son cœur qui l’est, sans partage ni détour.

Il fait plus que ce qui est demandé

Mais dire cela ne suffit pas à caractériser la vocation du scout, hier en patrouille ou en équipe, aujourd’hui sur son lieu de travail. En effet, le scout ne se contente pas de ne rien faire à moitié : il fait plus que ce qui lui est demandé, manifestant ainsi sa liberté à l’égard de l’ordre reçu.

A qui lui demande son manteau, il donne aussi sa veste ; à qui lui demande de faire cent pas, il en fait mille ; à qui le frappe sur une joue, il présente encore l’autre. Résonne toujours dans sa tête le chant de sa promesse l’appelant à « donner sans compter », c’est-à-dire plus que de mesure. Une telle logique de surabondance est typique de qui ne se contente pas de ce qui pourtant suffit, parce qu’il se trouve animé d’un désir d’infini.

Une telle logique de surabondance est typique de qui ne se contente pas de ce qui pourtant suffit, parce qu’il se trouve animé d’un désir d’infini.

Il ne s’agit pas, pour le scout débordant d’énergie, de faire ce que le monde demande, d’obéir passivement à un chef provisoire, mais il cherche, quand il le peut, à excéder la demande, de manière à ce que ce soit encore prendre une initiative que d’obéir. Elevé au grand air de la liberté, même dans sa manière d’obéir il marque que c’est parce qu’il le veut bien qu’il obtempère : il se fixe un objectif propre, au-delà de celui attendu. Donnant plus que l’attendu, il témoigne de générosité, d’une générosité provocante, provocatrice d’une générosité en retour permettant d’entrer tous, au travail, dans une logique de dons et contre-dons libératrice de l’habituelle mentalité comptable extinctrice des enthousiasmes.

 

[1] Jean 1, 47 : « Jésus vit Nathanaël qui venait à lui et il dit à son sujet : « Voici vraiment un Israélite sans détour ! » 

 

Par Thibaud Brière de la Hosseraye
Thibaud Brière de La Hosseraye est marié et père de quatre enfants. Il est philosophe en entreprise, conseiller en management, spécialisé dans les nouvelles formes d'organisation du travail et la prévention des risques professionnels. Il est l'auteur de "10 clés pour préparer mon entreprise au travail à distance" (Eyrolles, 2021) et de "Toxic management" (Robert Laffont, 2021). Titulaire d'un DEA de philosophie, diplômé d'HEC et lauréat de l'Académie des sciences morales et politiques, il a été onze ans scout à Paris, dont six de scoutisme marin.
 
 



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