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Quelques mots pour la génération Z - Le Mot du Padre par le père Jean-Baptiste Perche

Alors que j’étais séminariste, il y a près de quinze ans, j’eu la chance d’entendre un évêque parler aux jeunes de ma génération. Nous étions alors un petit groupe réuni pour un temps estival d’évangélisation et qu’elle ne fut pas ma surprise lorsque celui-ci nous affirma que nous étions la génération dite « Y », autrement appelée « la génération Why » parce qu’une de nos caractéristiques psychosociale principale était que nous posions souvent beaucoup de questions. Nous étions nés dans les années quatre-vingts dans un monde en pleine mutation qui ne portait plus lui-même les principes de sa propre marche, où tout semblait si évident à nos aînés et dans lequel il nous fallait, nous, pourtant trouver le sens de notre avenir. Cette parole m’avait à l’époque beaucoup aidé à me sentir moins seul et aussi à mieux comprendre les jeunes de mon âge vers lesquels j’étais également envoyés pour témoigner de ma foi et de mon appel.

            Aujourd’hui, bien que n’étant certes pas évêque, j’éprouve tout de même le désir équivalent de dire à mes petits frères et soeurs de la génération qui succède à la mienne quelque mots d’encouragement pour mener à bien son chemin d’ici-bas. Et comme les savants aiment bien utiliser des lettres, nous avons bien-sûr tous déjà entendu parlé de la génération Z, de celles et ceux nés autour des années deux milles, qui est de fait emblématique de l’ère technoscientifique dans laquelle nous sommes entrés depuis le début de ce siècle. Par l’internet, nous sommes à une époque où la communication s’est accélérée et où les cultures s’enchevêtrent tout en tendant à se globaliser, l’individu dont le smartphone est l’image paradigmatique ordonne à la communauté ses multiples besoins et désirs afin qu’ils se réalisent rapidement et concourent pourquoi pas au bien d’autrui. Z veut dire « qui zappe » vite : d’une culture à l’autre, d’un mode à l’autre, d’une ambitions à une autre, d’un projet … avec pour dénominateur commun la pensée initiée par le désir. Chacun pourra bien-sûr dire si et dans quelle mesure, personnellement, il se sent rejoint par cette vérité de notre temps. Cependant, j’invite chacun des milleniums qui la liront à l’intégrer afin d’en discerner, pour leur vie de foi et le don d’eux-même auquel elle les appelle, toutes les forces autant que les écueils.

            La spiritualité chrétienne a toujours mis en valeur la primauté du désir personnel comme moteur du chemin qui mène à Dieu, cependant sans jamais que celui-ci ne soit vraiment détaché de la réalité elle-même : la réalité de Dieu, dont par essence la parole et l’action précèdent toujours l’élan vital de l’homme créé à Son image et la réalité humaine, qui précède collectivement chacun de nous en son histoire, avec ses principes moraux, culturels et civilisateurs. Ainsi, la foi nous dit que la perception d’un désir humain à la fois totalement inné et détaché de toute vérité d’abord apprise et perçue est tout simplement fausse car l’homme apprend d’abord à recevoir son propre désir jour après jours de Dieu au moyen de son intelligence, de sa mémoire et de sa volonté ; nous sommes des êtres finis capables de Dieu. Mais elle nous dit également que si le désir de l’homme constitue le moteur ordinaire de sa vie, dans le temps, sa mise au point authentique n’a rien à voir avec un phénomène instantané. Celle-ci suppose en effet le dialogue libérant avec Dieu dans l’Esprit, par la prière, la pratique des sacrements, dans un attachement à l’Eglise et une connaissance toujours plus aiguisée de l’environnement et du monde ; nous sommes des êtres finis et aussi peu à peu libérés du péché qui nous entrave (cf. He 12, 1).

            Nous sentons alors que notre désir ne peut pas trouver sa vraie réalisation dans une rapidité incessante appliquée d’abord sur des objets extérieurs mais dans un chemin intérieur de connaissance et de remise de soi-même à Dieu afin de décider avec Lui vers où et de quelle façon il faut agir. Mais l’intériorisation du désir par une remise confiante de toute la vie en Dieu dans Son Esprit a une autre conséquence importante pour notre action. Car en plus de rassembler toute notre vie dans un élan plus lent et réparateur où nous ne sommes plus seuls à décider, elle vient peu à peu élargir en nous l’espace de notre conscience et de notre détermination à la mesure du monde. Avec le Christ pour modèle et conseillé, nous pouvons alors entrer avec Lui, qui s’est donné pour tout homme dans la réalisation d’un désir plus large qui dépasse la vue humaine de l’instantanéité pour se décentrer vers d’autres auxquels nous ne songerions pas sans Lui sur le chemin qu’il nous ouvre. Et c’est ainsi que le dialogue initié avec Dieu peut nous entrainer naturellement à une meilleure prise en compte du réel où l’autre, d’une origine même très différent des principes culturels et moraux qui nous ont vu naitre peut se présenter à moi comme un frère ou une soeur à considérer et à aimer. Avec Jésus, nous apprenons ainsi à rendre le temps long et propice à la rencontre de tout ceux auxquels nous ne pensons plus quand nous réfléchissions seuls et à partir de nous-même. Immergés dans l’amour de Dieu qui saisit toute notre histoire personnelle avec sa culture et ses principes, nous trouvons humblement la force de nous ouvrir sans crainte à toute vie.

            Ces échanges inédits, ouverts par le regard bienveillant que le Christ porte à chacun feront jaillir en nous un désir transformé, c'est-à-dire plus universel et plus ajuster à ce qu’il est possible et nécessaire de faire pour accomplir notre vocation d’ici-bas. 

 
Par le Père Jean-Baptiste Perche
Vicaire à Saint Cloud et Père à la Maison St Jean-Baptiste à Versailles, ancien Conseiller Religieux
 



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