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Transfiguration du quotidien, le Mot du Padre par le Père Erwan de Kermenguy

23 février 2021 Le mot du Padre

L'aventure scoute n'est pas loin de l'expérience biblique. En lisant les lectures de ce 2ème dimanche de carême, comment ne pas évoquer nos souvenirs de camp et de raids ? Abraham en marche vers la montagne de Moriah (le nom lui-même semble tout droit sorti d'un Signe de Piste), marchant seul avec son fils, comme pour un raid de 2nde classe. Parvenu au sommet de la montagne, il a ces gestes très simples qui furent les nôtres, lorsqu'il construit un autel… table à feu, oratoire dans un coin de pat', autel de pierre ou de froissartage… Oserai-je rappeler qu'il a aussi pratiquer le matelotage, maîtrisant l'art des nœuds pour lier son propre fils, comme on attache un prisonnier en grand-jeu ? Sauf qu'il ne s'agit pas d'un jeu pour lui. Ces techniques que nous avons mises en œuvre en riant, il les a fait, avant nous, en pleurant sans doute. Souvenir encore de camp avec ce bélier qu'il faut aller chercher dans le buisson… qui me rappelle un méchoui de fin de grand-jeu, où il fallu attraper les moutons, avec l'aide du berger qui nous accueillait. Souvenirs de week-end, en voyant les apôtres partir en raid avec Jésus sur la montagne… et Pierre qui se propose pour monter la tente.

La bible ainsi lue, prend davantage de chair… nous sentons la poussière du chemin, les cailloux qui roulent sous les pieds, la beauté des paysages de la montagne… C'est à travers ces gestes si ordinaires et ces événements si familiers que Dieu se révèle à son peuple. L'inouï de la foi chrétienne c'est que le Dieu inaccessible que nous n'osons entrevoir dans l'or de nos autels se rend présent dans l'ordinaire. Le génie du scoutisme catholique c'est de dire le bénédicité devant des pommes terres brulées, froides et pas cuites, de prier le soir au coin du feu, de prononcer une promesse qui engage autant notre amitié pour les membres de notre patrouille que le Dieu Très-Haut qui s'y engage avec nous.

Nous avons ainsi découvert Dieu dans l'ordinaire de la vie. Et dès lors ce sont des choses toutes simples qui nous relient à Dieu. Le service rendu chaque jour (la première obligation du scout… même lorsqu'il a rangé son uniforme depuis de nombreuses années), le sourire dans les difficultés, le regard posé sur la Création où l'on a appris à voir Dieu à travers son œuvre, une certaine pauvreté dans les moyens (pour vivre l'article 9) et une sobriété de vie (n'oublions pas que des louveteaux jusqu'au foulard des routiers, St François d'Assise accompagne le scout)… autant de choses simples qui nous ouvrent à l'extraordinaire de la présence de Dieu. Le style de vie scout transfigure le quotidien. Car Dieu est présent à toute chose et en tout temps.

Le récit de la Transfiguration du Christ que nous entendons en ce début de Carême va dans ce sens. Les apôtres ont contemplé avec stupeur la grandeur de Dieu dans l'humanité de leur chef. Ce rabbi juif est habité de la lumière de Dieu ! Voilà un chemin de Carême pour nous : redécouvrir Dieu présent dans notre quotidien. Comment Dieu est présent à moi qui lis ces lignes ? Comment découvrir la trace de Dieu dans mon frère (créé à l’image de Dieu), dans mon collègue de travail, dans mon conjoint ? Comment accueillir ce que j'ai à vivre aujourd'hui ou cette semaine comme un don de Dieu ? Une prof de SVT me confiait un jour : quand un élève est particulièrement difficile, je me dis que Dieu a voulu nous confier l'un à l’autre, Dieu a voulu que je sois sa prof, que je prie pour lui, que je l'aime.

Le scoutisme nous a appris à voir le monde. Nous avons appris à repérer les essences d'arbre, à distinguer dans un bois s'il est bon pour faire du feu ou bon pour des installations. Nous avons appris à lire une carte IGN et à repérer que tel itinéraire sera préférable à tel autre, en fonction des courbes de niveaux, de la végétation, des cours d’eau… pour trouver le plus bel itinéraire (et pas forcément le plus confortable). Il nous faut apprendre à voir Dieu dans le monde, Dieu présent à toute chose, Dieu présent en tout temps. Il nous faut recevoir la réalité comme un don de Dieu. Car le réel, qui s'oppose parfois violemment à nos rêves, est toujours le lieu où Dieu nous attend, dans la sainteté du quotidien.

 

 

Père Erwan de Kermenguy, RS

CR Equipe Nationale Louvetisme




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