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Education - Partir de l'enfant tel qu'il est, le rendre davantage acteur afin de favoriser ses apprentissages. Tout ce que Baden-Powell avait compris !

16 juillet 2020 Education

Stéphanie Combe, ancienne guide et cheftaine, journaliste à La Vie, et précédemment à Famille chrétienne, spécialiste des questions d’éducation a accepté de répondre aux questions du RASSO et à celles de nombreuses mères de famille à l’occasion de la sortie de son 2e roman, Eduque-moi si tu peux, paru aux éditions Quasar.

Le RASSO : Qu’arrive-t-il à Sophie, jeune femme de 32 ans, héroïne de ton dernier roman ?

Stéphanie Combe : Cette célibataire est désignée d’office – la malheureuse ! - pour garder ses adorables neveux et nièces dont l’aîné a 9 ans, pendant une semaine. Rien ne lui sera épargné : la crise au supermarché, la messe dominicale avec ses allers-retours entre le premier rang de l’église et la porte de sortie, la promenade où ils traînent les pieds, les couchers difficiles, les nuits agitées, leurs cris, leurs chamailleries… Démunie, Sophie sollicite des conseils éducatifs à des mères de famille expérimentées. Elle finit même par appeler à l’aide l’une de ses amies, psychologue, qui débarque avec son cousin. Ensemble, ils reprennent les rênes et parviendront à dépasser les blocages.

Le RASSO : Belle idée que celle de parler d’éducation sous forme de roman, pourquoi avoir choisi ce genre littéraire ?

SC : Je n’avais pas envie de publier un énième livre de parentalité pour expliquer comment (bien) élever ses enfants, encore moins de me positionner en « sachant ». Par mon métier, j’approfondis ces questions familiales depuis plus de quinze ans, j’ai accumulé beaucoup de matière et j’ai à cœur de les transmettre. La forme romanesque permet de s’affranchir d’un aspect un peu didactique et formel, tout en distillant du fond au fil des pages. J’ai aussi adopté un ton humoristique car l’humour est pour moi une planche de salut. Le rire permet de dédramatiser, de prendre de la distance, de voir la réalité sous un autre angle, d’alléger, de retrouver un peu de joie et de pétillant… Une nécessité face à nos ratés ou devant la mauvaise foi évidente de nos enfants !

Le RASSO : De nombreuses allusions sont faites aux années de scoutisme de ton héroïne Sophie et de son amie Yaëlle… Que peut-on puiser selon toi dans le scoutisme pour accomplir notre rôle de mère ou de père de famille ?

SC : Le scoutisme m’a tellement apporté ! Il enseigne le don de soi, l’attention à l’autre, la générosité, la persévérance… « La guide sourit et chante dans les difficultés » : j’essaie de garder ce parti-pris de voir le verre à moitié plein, ce pari de la joie au quotidien. J’ai aussi aimé ce souffle de l’aventure, ces prouesses techniques réalisées à travers les installations, l’atmosphère des grands jeux... Autant de dimensions qui élèvent, épanouissent, suscitent le meilleur de chacun. Alors comment nous en inspirer et le transposer à nos enfants, lorsque notre uniforme a été raccroché depuis belle lurette ? Je crois qu’en tant que parents, l’essentiel est dans le regard que nous posons sur eux, ce regard qui encourage, qui révèle le potentiel de l’enfant (que lui-même ne soupçonne pas encore !), qui accorde une confiance inconditionnelle et qui relève lorsqu’il s’est fourvoyé. Veillons aussi à entretenir un « esprit de famille », un climat joyeux et entreprenant. Ne soyons pas si sérieux et rabat-joie avec nos « Tiens-toi droit », « fais pas ci, fais pas ça »... Plus que jamais aujourd’hui, vivre une aventure ensemble, réaliser un projet enthousiasmant, sont les meilleures alternatives aux écrans. Je voudrais néanmoins émettre une réserve, si tu le permets ?

Le RASSO : C’est tout à fait possible !

SC : Avec du recul, je perçois aussi un écueil : notre « Toujours prêt ! » peut être mal interprété et une éducation « à la scoute » n’apprend pas toujours à dire non. Or il faut savoir dire non ! « Que ton oui soit oui, que ton non soit non », c’est biblique 😉. À force de charger la barque, on finit par couler et ce naufrage n’épargne pas ceux que l’on aime le plus au monde. Ainsi s’expliquent bien des épuisements, dépressions et burn-out. Alors j’invite vraiment à la prudence, notamment les profils type « perfectionniste » et « indispensable » en ennéagramme, ou « Services rendus » en langages de l’amour. « De notre mieux » ne signifie pas « toujours plus ». Avant de s’engager, avant de dire oui, apprenons à nos enfants à entrer en eux et à discerner. Il faut les autoriser à dire non, parfois même à un bien, et c’est là tout le paradoxe. Car notre don de nous-même n’est bon et ne sera fécond que s’il est juste. Combien de fois Jésus lui-même s’est-Il retiré pour prier son Père ? À notre tour, commençons par appliquer ce principe à nous-mêmes. Ne pas se disperser ni s’épuiser, savoir se reposer, préserver du temps pour soi, privilégier son couple et sa famille… voilà aussi l’exemple que nos enfants doivent recevoir de nous.

Le RASSO : Tu évoques plusieurs « méthodes » d’éducation : Montessori, éducation bienveillante, discipline positive… As-tu une préférence pour l’une d’elles ? Et s’il fallait retenir un message fort de chacune d’elles, quel serait-il ?

SC : Il ne peut y avoir une seule manière de faire, puisque chaque enfant est différent, chacun a son caractère, son histoire. Que ce soient les ateliers Gordon ou Faber et Mazlich, la Discipline positive, le parcours Parents des Cours Alpha… ces diverses méthodes permettent toutes d’avancer, de découvrir d’autres pratiques, d’adapter les nôtres. Elles se nourrissent de l’expérience des théoriciens et s’appuient sur les découvertes récentes de Carl Rogers avec son « écoute active », Thomas Gordon, pionnier dans les résolutions de conflit « gagnant-gagnant », Marshall Rosenberg, théoricien de la communication non violente. Le groupe de parents montre aussi que nous ne sommes pas seuls à galérer, ce qui fait un bien fou ! Les grands courants de pédagogie dits de l’école nouvelle, tel Maria Montessori ou le Père Faure, ont partagé cette intuition de partir de l’enfant tel qu’il est, de le rendre davantage acteur afin de favoriser ses apprentissages, et de plébisciter la coopération. Tout ce que Baden-Powell avait aussi compris !

Le RASSO : Il y a parfois un grand écart entre ces théories et la pratique, comme un « mode d’emploi » qui serait impossible à appliquer avec ses propres enfants. As-tu des conseils à donner pour aider les mères désespérées et arrêter de se dire « Oui, c’est bien beau dans les livres, mais chez moi ça ne fonctionne pas ! » ?

SC : Je te rassure : chez moi non plus, tout ne fonctionne pas !! Et tant mieux, après tout, car s’il existait une formule magique, où serait notre liberté ? D’ailleurs, si quelqu’un promettait de régler tous nos problèmes, mieux vaudrait partir en courant… En effet, l’éducation bienveillante pourrait être perçue comme une injonction supplémentaire. Moi, j’aime à la voir comme une alternative médiane entre une éducation trop rigide et une éducation trop laxiste. Elle offre des outils qui sont autant de clés. À nous de choisir celles qui correspondent à nos besoins du moment. Mais ne cherchons pas à être des mamans 20/20 ! Toutes, nous tâtonnons, nous avançons, nous nous trompons, nous demandons pardon, nous cherchons, nous réussissons ici et échouons là... La vie est un perpétuel ajustement. Notre imperfection nous renvoie à notre condition de créatures : nous ne sommes pas Dieu, nous ne sommes pas le Sauveur, même de nos enfants. C’est notre chance de chrétienne de pouvoir nous en remettre à Lui avec humilité, d’entrer dans son tempo, qui n’est pas le nôtre, de déposer à ses pieds notre culpabilité si souvent inhérente à la maternité, mais dont Il veut nous délivrer, et de grandir en confiance, quoiqu’il arrive.

Le RASSO : Les dialogues de Sophie avec ses neveux évoquent d’une très belle manière la faculté des enfants à s’éveiller à la vie spirituelle. Comment la foi change-t-elle notre manière d’éduquer nos enfants ?

SC : Nous sommes infiniment aimés et faits pour la vie éternelle. Ces vérités de foi structurent toute notre éducation, parfois à notre insu. Dans une société individualiste, consumériste et matérialiste, notre foi nous rappelle à l’essentiel. Nous le savons : le but de la vie ne se résume pas à faire une grande école de commerce pour être quelqu’un d’important, gagner beaucoup d’argent et consommer toujours davantage. Alors nous essayons, tant bien que mal, à enseigner l’attention aux plus démunis - « le plus fort qui protège le plus faible » -, à prendre soin de son âme, à dialoguer avec Dieu, à le consoler par notre amour, nos petits efforts et sacrifices d’ici-bas… Et puis, au quotidien, l’espérance et la foi qui nous animent nous donnent la certitude de pouvoir lâcher la branche (ou notre enfant !) : Dieu sera toujours là pour nous rattraper. C’est une grande consolation, je trouve, et un motif d’action de grâce au quotidien.

Eduque-moi si tu peux, Stéphanie Combe, Editions Quasar, juin 2020, 15 euros.




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