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Obéir c'est être libre
Obéir, c’est être libre. Voilà une phrase qui heurte notre époque, et pourtant, elle est le point de départ d’une école de vie que des générations de jeunes ont expérimentée, foulard au cou et sac au dos. Le scoutisme, en particulier dans sa pédagogie la plus exigeante, ne propose pas de fuir les contraintes, mais de les habiter. Il ne promet pas l’autonomie immédiate, mais la liberté enracinée dans des choix assumés. Il forme à l’obéissance non pas comme une soumission aveugle, mais comme une disposition intérieure à recevoir une mission, à écouter un chef, à servir un bien commun plus grand que soi.
Ce cadre, loin d’étouffer, élève. C’est dans la rigueur d’un camp, la répétition d’un geste, l’apprentissage du feu ou de la cuisine d’équipe, que le jeune scout découvre la puissance du réel. Il apprend à poser des actes. Et surtout, à les penser. Pourquoi faire ce choix, et pas un autre ? Quelle conséquence pour moi, pour les autres ? Dans le grand jeu comme dans une veillée, dans la prise de parole comme dans le silence, dans l’obéissance à un ordre ou dans l’initiative solitaire, il expérimente ce que signifie agir librement. Il comprend qu’un choix n’est libre que s’il engage, s’il est assumé, s’il fait grandir.
Et parfois, dans le regard d’un plus jeune, ou dans le silence d’un matin froid, il comprend que ce qu’il fait n’a de sens que s’il le fait pour un autre. Le chef de patrouille, jeté sans expérience dans une responsabilité d’âmes, découvre qu’il faut plus que des compétences pour être un bon chef : il faut un cœur tourné vers les autres. Il faut apprendre à se taire, à patienter, à servir sans attendre. Cette obéissance n’est plus seulement à une règle : elle devient une fidélité, une manière d’habiter le réel avec sérieux et humilité.
Et c’est cette fidélité-là, cette manière d’obéir sans soumission, qui trouve un prolongement naturel dans un autre engagement : celui du volontariat. Car partir loin, dans une ONG, ce n’est pas s’extraire du monde pour vivre une aventure. C’est répondre à un appel. On n’y va pas pour faire, mais pour être. Et pour être, il faut d’abord se décentrer. S’oublier un peu. Se rendre disponible. Il faut, là encore, obéir. Non plus à une loi écrite ou à un chef identifié, mais à une réalité qui nous dépasse : la lenteur d’une culture inconnue, la pauvreté d’un quotidien austère, la fragilité de ceux que l’on rencontre. Le volontaire apprend à se taire, à écouter, à attendre. Il apprend que son efficacité n’est pas toujours utile. Que sa parole n’est pas toujours la plus attendue. Et qu’il faut parfois des semaines pour comprendre ce qui se joue.
Dans cette école du volontariat, il n’y a plus d’uniforme, plus de badge, plus de hiérarchie. Il n’y a que le réel. Une école du cœur, où l’on apprend à servir sans reconnaissance, à aimer sans retour. À obéir à un rythme, à une présence, à une mission intérieure. À se laisser façonner par le quotidien, dans sa simplicité parfois déroutante. Là encore, on découvre que la liberté n’est pas dans le choix de ses actions, mais dans la manière de les vivre. Être fidèle à une présence, à un lieu, à une personne. Être à sa place, simplement, pleinement.
Le scoutisme enseigne que l’obéissance donne la liberté d’agir. Le volontariat enseigne que l’obéissance donne la liberté d’être. Et dans l’un comme dans l’autre, c’est le service qui devient la clé. Le service, non comme un geste ponctuel, mais comme un état de vie. Une manière d’habiter le monde. Et c’est là, dans cette disposition intérieure, que l’on devient vraiment libre : libre de se donner.
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