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[QUESTION EDUCATION ] Et si nous réinstaurions la chevalerie ?
Article 5 de la loi scoute : le scout est courtois et chevaleresque
« La vraie société du scout, c’est celle du Christ, des Anges et des Saints protecteurs de sa troupe et de lui-même. Il apporte sur la terre comme un parfum du Ciel. » C’est ainsi que s’exprimait le Père Réginald Héret dans son commentaire de la Loi scoute d’après saint Thomas d’Aquin[1]. Cela peut vous paraitre un peu mystique, voire désuet, pourtant dans notre société abîmée par la vulgarité, l’immoralité et la violence, je suis toujours édifié de voir des jeunes scouts en uniforme bravant le décalage, le contraste, les regards, voire les quolibets. Il faut désormais du courage à un scout ou à une guide en uniforme pour traverser la foule de ce monde. Aujourd’hui plus qu’hier, je suis impressionné par ces visages de retour de camp, rougis par le temps, et rayonnant de la santé de leurs activités et encore plus de la sainteté de leur promesse et de leurs aspirations. Les scouts de nos jours ne sont peut-être pas meilleurs que ceux de ma jeunesse, mais le monde a changé et le contraste est autrement plus important.
« La vraie société du scout, c’est celle du Christ, des Anges et des Saints protecteurs de sa troupe et de lui-même. Il apporte sur la terre comme un parfum du Ciel. »
S’il est une attitude scoute qui a été profondément dénigrée dans ces dernières décennies, c’est certainement la courtoisie et l’esprit chevaleresque qu’exige le 5ème article de sa loi.
Le scout est appelé à la courtoisie, à une politesse raffinée qui est le fruit de la distinction de l’esprit qui sait ajuster les paroles et les actes à chaque situation et chaque personne, de la simplicité du cœur qui conduit à penser aux autres avant de penser à soi, et du maintien de la tenue et la présentation qui ne glisse jamais dans la séduction. La courtoisie conduit à être agréable aux autres par ses paroles, ses actes et surtout par sa joie. Elle ne se résume pas à une conduite respectueuse du code de la route ou au prêt d’un véhicule de remplacement dans une concession automobile.
Historiquement, la courtoisie nait de la chevalerie médiévale. Elle n’a rien à voir avec la caricature de la préciosité des libertins du XVIIème qui feignent la courtoisie pour séduire et posséder l’objet de leur convoitise. C’est pourquoi il est bon de rappeler le lien avec la chevalerie et la chanson de geste qui décrit si bellement les mœurs de la courtoise et de la galanterie. L’esprit chevaleresque élève la courtoisie en l’ordonnant au service de la charité, au combat contre le mal et à l’engagement pour le bien de la cité.
Dans une société traversée par les idéologies wokistes, du gender ou par les inversions de la transidentité, parler de courtoisie peut sembler tout droit sorti d’un autre âge mais aussi radicalement incompatible avec les nouvelles mœurs qui troublent les repères fondamentaux entre le masculin et le féminin. Même si la courtoisie ne se résume pas à la délicatesse de l’attitude d’un homme vis-à-vis d’une femme, il est bon de rappeler qu’elle consiste pour un homme à exercer sa virilité en apportant sécurité et prévenance à la gent féminine.
En lisant ces lignes, vous vous interroger peut-être sur le réalisme d’une telle loi en 2022. Comment peut-on demander à des jeunes de notre siècle de vivre selon l’héroïsme de la chevalerie dans leur cœur et dans leur âme ? Vous vous dites peut-être que c’est une métaphore, et qu’il ne s’agit pas vraiment d’un combat pour le bien ou contre le mal. Plongée dans le monde, il me semble pourtant que la jeunesse chrétienne est confrontée à un choix radical : soit elle cherche la compatibilité entre les exigences de la vie chrétienne et la vie mondaine, elle prend alors le risque de ne plus vivre comme elle pense mais de penser comme elle vit ; soit elle considère que la finalité céleste du pèlerinage terrestre fait d’elle une dissidente qui se doit de mener certains combats pour la vérité dans la charité. Et le combat est de plus en plus rude. Je pense que certains scouts et certaines guides sont véritablement héroïques dans la fidélité à leur promesse ou dans la cohérence de leur vie après leur départ routier.
A notre époque, il faut une véritable force d’âme pour demeurer fidèle à sa promesse, et pour cela il faut s’entrainer à pratiquer la vertu de force avec courage dès sa plus tendre enfance. « La vertu de force affermit l’âme dans la poursuite du bien difficile, sans se laisser ébranler par la peur, pas même par la crainte de la mort »[2] En ce sens, la vertu de force revêt un caractère surnaturel dans la mesure où elle nous conduit à réprimer les impressions fausses ou réelles de la peur qui peut nous conduire à paralyser nos efforts pour atteindre le vrai bien ou dans le combat contre un mal. La vertu de force nous rend capable d’entreprendre et d’endurer des choses difficiles avec fermeté, courage et constance.
En réfléchissant sur ce cinquième article, j’ai découvert un lien intéressant entre les vertus qu’il convoque et celles du leadership vertueux : l’humilité et la magnanimité[3]. L’humilité anime la courtoisie et se traduit par la simplicité du regard et du cœur. L’humilité n’est pas la modestie, elle s’attache à l’espérance pour envisager de grandes choses en s’alliant à la magnanimité. La magnanimité s’exprime par une « âme grande », une intelligence qui envisage sa vie à la hauteur du Bien commun. La magnanimité nous invite à estimer les ressources et talents que Dieu a mis en nous et à les investir au service d’un bien qui nous dépasse. « Aux âmes vulgaires les joies communes, à nos grandes âmes scoutes le bonheur exaltant de la vie divine commencée. »[4] Se dévoile alors l’esprit chevaleresque auquel est appelé le chrétien prêt à donner sa vie pour servir Dieu, l’Église, sa Patrie et l’Europe. Cet esprit chevaleresque conduit à « aider son prochain en toutes circonstances », à combattre pour défendre la vérité et ne jamais supporter le jeu de la médiocrité qui conduit aux petites manœuvres pour être reconnu par le monde.
L’homme habité d’un esprit chevaleresque envisage de grandes choses, il va hisser son regard au sommet du Bien commun de la société humaine pour chercher une mission et un engagement à la hauteur de ces aspirations difficiles. Le cœur chevaleresque se prépare au combat, il sait qu’il doit avant tout combattre contre lui-même pour demeurer maitre de sa vie et de sa destinée. Le combat du chevalier de 2022 le conduit à résister aux tentations du monde, à restaurer la vérité par son intelligence et par l’exemple de sa vie et à préférer la charité en toute chose pour ne jamais être une cause d’injustice mais bien davantage d’édification.
« Nos vertus sont une image, une participation de notre future béatitude. Cette sécurité, dont nous disons qu’elle est la condition d’une âme chevaleresque, nous apporte déjà une grande joie ; mais la récompense de la vertu, ce sera la sécurité immuable et parfaite. »[5]
« Nos vertus sont une image, une participation de notre future béatitude. Cette sécurité, dont nous disons qu’elle est la condition d’une âme chevaleresque, nous apporte déjà une grande joie ; mais la récompense de la vertu, ce sera la sécurité immuable et parfaite. »
[1] « LA LOI SCOUTE », Commentaire d’après saint Thomas d’Aquin R.P. Réginald HERET, O.P. Du comité directeur des scouts de France, Aumônier honoraire de Rouen, Auxiliaire de Paris « Editions Spes » 17 rue Soufflot, Paris - 1929
[2] Précis de Théologie, Abbé Adolphe Tanquerey
[3] Pour approfondir ce sujet, voir le site https://hvli.org/fr/
[4] idem
[5] Saint Thomas d’Aquin - L’Altitude de la vertu - Contra Gentes, 1. 3, c. 133-138
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