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Vous avez dit "père" ? - Le Mot du Padre du Père Jean-Baptiste Perche

11 février 2021 Le mot du Padre

En ce début d'année, que le Pape François a souhaité dédier à Saint Joseph, il serait bon de nous arrêter un moment sur cette notion qui a tendance à échapper un peu à notre époque, bien que de manière diverse selon les lieux, je veux parler de la paternité.
              Dans la récente lettre apostolique, Patris Corde, pour le 150ème anniversaire de la déclaration de Saint Joseph comme patron de l'Eglise universelle, le Pape François esquisse quelques traits de la paternité inspirée de la vocation reçue par le père terrestre de Jésus. Etre père, dit-il, signifie « introduire l'enfant à l'expérience de la vie, à la réalité », c'est « ne pas le retenir, ne pas l'emprisonner, ne pas le posséder, mais le rendre capable de choix, de liberté, de départs ». A l'image de celle inspirée à Joseph, la paternité est en fait le fait d'un amour personnel et chaste, c'est-à-dire qui a su se « libérer de la possession dans tous les domaines de la vie » et qui accepte que l'être aimé se révolte, se trompe et aussi revienne un jour pour demander pardon. Être père signifie donc faire entrer chastement dans la vie, suscitant ainsi l'éveil et l'ouverture au monde nécessaires pour qu’une personne y prenne place. Voilà qui est sans doute bon à entendre aujourd'hui. Quand une musique ambiante contemporaine nous vanterait plutôt une paternité d'extrême sécurisation, de contrôle absolu et parfait, le principe d'une paternité chaste vient contredire celui d'une virilité paternelle mal pensée, charismatique à l'excès, suffisante, souffrante même et autocentrée.
              Mais François ajoute que cette paternité ne peut être vraiment vécue dès lors que le degré de maturité du don authentique, qui établit toute vocation dans l'épaisseur personnelle de la gratuité, est atteint. Être père, à l'instar de toute vocation suppose en effet d'avoir dépassé « le simple sacrifice » de sa propre vie, qui ne pourrait en lui-même que manifester « malheur, tristesse et frustration » pour ne la vouloir que comme un don, qui exprimera davantage « la beauté » et « la joie de lamour ». Autrement dit, pour pouvoir faire croître librement, il faut donc être entré soi-même dans la maturité du don qui apprend à dépasser le calcul de chaque effort et l'appréhension trop fébrile de toute éventuelle peine sur le chemin de la vie. Nous comprenons ainsi qu'il n’y a pas de vrai éducateur qui ne soit en premier lieu donné, d'un authentique amour chaste, accordé à ses paroles et à ses demandes, que le père ne peut aussi aider à faire des choix sans se tenir prêt à ce qu’ils puissent être un jour posés et pour qu'ils soient enfin accueillis, qu'il ne peut vouloir faire croître sans attendre très silencieusement de célébrer un jour la venue de beaux fruits, librement suscités dans l'Esprit. En tant qu'éducateur dans la foi, les meilleures joies qu'il m'ait été données furent d'ailleurs, lors de relectures, de constater les progrès d'enfants ou d'adolescents que j'avais pu incités mais sans les avoir jamais obligés…
             
              Résumons encore et élargissons cette pensée avec les mots mêmes du pape qui articulent la fécondité et le détachement au cœur de la tâche paternelle : « La paternité qui renonce à la tentation de vivre la vie des enfants ouvre toujours tout grand des espaces à l'inédit. Chaque enfant porte toujours avec soi un mystère, un inédit qui peut être révélé seulement avec l'aide d'un père qui respecte sa liberté. Un père qui est conscient de compléter son action éducative et de vivre pleinement la paternité seulement quand il s'est rendu “inutile”, quand il voit que l'enfant est autonome et marche tout seul sur les sentiers de la vie, quand il se met dans la situation de Joseph qui a toujours su que cet Enfant n'était pas le sien mais avait été simplement confié à ses soins. Au fond, c'est ce que laisse entendre Jésus quand il dit : « N'appelez personne votre Père sur la terre : car vous n'en avez qu'un, le Père céleste » (Mt 23, 9).
              Chaque fois que nous nous trouvons dans la condition d'exercer la paternité, nous devons toujours nous rappeler qu'il ne s’agit jamais d'un exercice de possession, mais d'un “signe” qui renvoie à une paternité plus haute. En un certain sens, nous sommes toujours tous dans la condition de Joseph : une ombre de l'unique Père céleste qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45) ; et « une ombre qui suit le Fils. » Patris Corde, § 7
 
              En cette année 2021, laissons donc la paternité de Joseph nous inspirer. Aidons tous les pères à agir à son imitation afin qu'ils soient toujours plus donnés, chastes et aussi, bien présents à chacun de leurs enfants. Cherchons aussi à nous donner sainement aux autres et sans calcul, pour les aider à croître eux-mêmes sans aucune entrave affective, morale ou spirituelle. Puisse saint Joseph devenir le gardien de chaque éducateur, le modèle protecteur de toute vie !
 
 
Par le Père Jean-Baptiste Perche
Vicaire à Saint Cloud et Père à la Maison St Jean-Baptiste à Versailles, ancien CR



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