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L'écologie intégrale en camp - Arnaud de la Monneraye

03 juin 2021 Education

L'ÉCO … QUOI ?

Définissons d’abord l’écologie comme l’étude des relations qui se jouent dans les milieux naturels, des relations des espèces avec les autres espèces et avec les milieux qui leur permettent de vivre leur cycle vital. Si l’Eglise parle depuis longtemps d’écologie, l’encyclique Laudato si’ (Loué sois-Tu) redit notre interdépendance à la nature et au prochain parmi quatre relations à réconcilier sans-cesse : avec les autres, avec la nature, avec nous-mêmes et bien-évidemment avec Dieu qui est au sommet.

ET CONCRÈTEMENT ?

Disons déjà que les quatre relations de l’écologie intégrale se retrouvent en filigrane dans les quinze piliers du scoutisme. Ici, je vous propose juste de nous attarder sur le lien à la nature, (spécialement) en camp. La question naturaliste et environnementale. Voici pour commencer sept axes d’attention pour davantage vivre le lien à la nature dans le scoutisme.

  • LA CONNAISSANCE ET L'ÉTUDE DE LA NATURE

La connaissance et l’étude de la nature font partie des fondamentaux du scoutisme. Cela se pratique durant la vie de camp et aussi durant des activités dédiées. Par exemple, on imagine bien un tableau des observations quotidiennes à la vue de tous (au bas du mât, au kraal…), avec une documentation adaptée disponible, le tout animé par le chef ou la cheftaine.

Lorsqu’on se prend au jeu de l’observation et de l’identification des espèces, ce n’est que du bonheur ! On regarde, on analyse, on comprend, on ressent … et c’est énorme, fondamental !

  • LE CAMPEMENT ET LES INSTALLATIONS

Aller camper, c’est aller habiter une nature qui préexiste avec son organisation et son équilibre... On aura bien-sûr fait connaissance précisément avec le lieu et sa topographie, avec les arbres qui le structurent et avec qui il faudra “vivre avec”. Invité “au fond des bois”, on veille à la sobriété de l’installation sans s’étaler inutilement, en s’ajustant aux ressources du lieu.

C’est un vrai changement de paradigme : on cohabite le lieu le temps du camp ou du bivouac ! Avec gratitude, on quittera les lieux en ne laissant aucune trace de passage, sinon pour la faune le souvenir d’une cohabitation heureuse et fraternelle !

  • L’INTENDANCE

L’été, il est aisé de s’alimenter de produits variés et de saison. On préférera les produits locaux bruts à cuisiner plus que les alternatives transformées industriellement. Lorsque c’est possible, on trouvera un maraîcher à proximité pour se fournir en légumes sains. Suivant les régions, les réseaux de producteurs permettent de se ravitailler en produits variés sans trop d’intermédiaires : viande, laitage, légumes …Et puis comme on ne se nourrit pas d’emballages, on évitera d’en créer, et lorsqu'il y en a, on participe au minima à leur revalorisation.

C’est une vraie joie de bénir la table et rendre grâce pour le « fruit de la terre et du travail des hommes », un terroir et des personnes que l’on peut rencontrer “en vrai”.

  • L'HYGIÈNE EN PLEINE NATURE

Nous savons que la propreté en camp est indispensable pour l’hygiène et le respect du corps. Aujourd’hui, on redécouvre le savon de Marseille véritable (le véritable avec 72% d’huile d’olive) qui offre toutes les exigences requises pour se laver parfaitement, faire la vaisselle et le linge avec une moindre impacte sur les milieux naturels. Sans être trop radical, on devrait réussir à interdire les « paic » et autres « lessives super blanc » qui sont une calamité pour la nature, les milieux et les espèces.

C’est extrêmement valorisant de se dire qu’on ne souille pas la Création par nos modes de vie, qu’on habite la “Maison commune” harmonieusement par des choix simples et qui participent à favoriser l’aventure.

  • LES ACTIVITÉS

De nombreuses activités et jeux permettent de faire progresser les jeunes dans leurs liens à la nature, de manière directe ou indirecte. A l'âge éclaireur, l’expédition de patrouille est le pendant naturaliste des autres activités classiques de camps (explo, concu, olympiades …), une aventure de patrouille où l’on déploiera toutes les compétences pour habiter et observer la nature. Aussi, le concu ou un festin sera l'occasion de découvrir très sensiblement la cuisine traditionnelle du lieu à partir de produits récoltés ou élevés « à moins de 10km ». L’expression et l’imaginaire naturaliste pourront être développés durant les veillées notamment. Les grandes chasses, jeux de piste qui pourront favoriser l’observation et la connaissance de la nature, les grands-jeux peuvent traiter de sujets naturalistes dans l’histoire ; l’explo peut mettre l’accent sur la découverte et l’écologie des paysages et des activités humaines.

C’est réjouissant de nous rappeler que toutes les activités peuvent être le chemin d’une meilleure relation à la nature, directement ou indirectement.

  • LA VIE SPIRITUELLE

Pour des méditations et des enseignements, rappeler et illustrer la nature sauvage comme don de Dieu qui induit une responsabilité. Avec l’esprit scout, réhabiliter la contemplation et l’émerveillement par les moyens adaptés comme chemin de connaissance de Dieu, de connaissance de soi aussi, spécialement aux âges éclaireurs et aînés.

C’est extraordinaire de pouvoir lire le livre fantastique de la nature pour parler concrètement du Créateur, de son Amour infini. C’est aussi joyeux de faire monter la louange – au milieu de la Création tout entière.

  • ET LE RÔLE DE LA MAÎTRISE ?

Nous le savons, c’est la maîtrise. C’est elle qui impulse l’intérêt et les axes de progression, qui valorise les talents naturalistes des jeunes. Elle donne l’exemple par sa manière d’être à la nature, par ses connaissances sur les espèces et sa capacité à décrire et identifier ce qu’elle ne connaît pas encore, par son aptitude à faire jouer le jeu de l’observation tout au long du camp dès que l’occasion se présente.

Que c’est remarquable, un chef ou une cheftaine qui malgré son ignorance naturaliste, sait retrouver un regard curieux et émerveillé sur les choses de la nature. Il ou elle saura ensuite accompagner le jeune dans l’identification, l’encourager dans ce sens.

MAIS ENCORE ?

Le scoutisme est une école de l’expérience et du concret. Ici la nature et sa réalité physique et cosmique nous renvoient à nos responsabilités et notre vocation profonde à laquelle le scoutisme nous porte pour construire “un monde meilleur”. Évidemment “il faut” trier les déchets, ne pas brûler du carburant inutilement, consommer sain, ne pas couper tel ou tel bois, économiser l’eau, ne pas polluer … mais il me semble plus opportun de voir les choses différemment par "j'aime donc”, “ j’y suis lié donc”... La nature est confiée à l'humanité pour en prendre soin, non pas à la place de Dieu mais pour coopérer avec elle et louer avec elle. Le fonctionnement des écosystèmes est déjà régi par la coopération, un modèle d’entraide et de complémentarité qu’on retrouve dans la pédagogie scoute ! Et puis, notre promesse scoute ou guide nous engage à une relation vertueuse à la nature lorsqu’on parle de bien d’autrui, d’économie, d’amour des plantes et des animaux, de confiance, de pureté, de service et même courtoisie !

UN PEU COURT DANS LE TEMPS !

Évidemment, le camp est le prolongement d’un projet d’année qui ne s’écrit pas à la fin du printemps ! Notre rapport à la Création est une question de regard à convertir, d’une relation à réconcilier. C’est une démarche qui s’appuie sur la volonté mais aussi sur la réceptivité à la grâce. Les chefs et cheftaines vont en être les facilitateurs, bien humblement. Effectivement, nous avons comme devoir de toujours montrer la beauté, la complexité et l’ingéniosité de la nature dans ce qu’elle offre de plus grand mais aussi de plus ordinaire mais non moins important. Nous avons à toujours réexpliquer notre dépendance à 360° à la nature (cf services écosystémiques), par la mobilisation de notre intelligence, de nos observations et de notre expérience individuelle et collective. Aussi et sans détours ou fausses-excuses, nous ne pouvons qu’exprimer dans nos actes que la nature est Création de Dieu, qu’elle parle du Créateur dans son projet d’amour pour nous. C’est juste vertigineux, sublime.

Tout cela induit beaucoup de choses évidemment : du respect, de l’attention, de l’intérêt, de l’humilité, de la sobriété, de la gratitude, de la joie et puis de la fraternité !

Lorsque l’on sait cela, que l’on a compris de quoi il en retourne, la nature devient une richesse fantastique pour le sens de la vie de camp, une richesse formidable pour interagir de manière vertueuse, pour créer et entretenir du liant. Le lien à la nature ne demande qu’à être tissé, brodé, raccommodé … porté fièrement sur la poitrine, dans le cœur ! 

Arnaud de la Monneraye est un ancien scout de Lorient. Ancien CGA à Vitré, ancien du Furet, il a mis ses connaissances naturalistes au service de l’AGSE en sein de l’ETN Nature & environnement, et comme ACNE pour la nature.

Designer généraliste mais également naturaliste, écologue, forestier, jardinier, illustrateur... Il intervient sur la conception de projets de paysages biodiversifiés, dans l’accompagnement de projets écologiques et la conception de solutions pédagogiques sur la biodiversité. Il est intervenant-formateur à l’Académie pour une écologie intégrale.

Il habite entre Rennes et Laval, en Ille-et-Vilaine.

 




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