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[LE PORTRAIT DU RASSO] Antoine Meaudre, prêtre des Missions étrangères de Paris

27 octobre 2020 Les portraits du RASSO

Antoine, tu es parti en Thaïlande avec les Missions Etrangères de Paris (MEP) en 2015, 2 ans après ton ordination, peux-tu nous raconter comment est venue ta vocation ? 
En douceur… enfant puis adolescent j'y ai souvent pensé mais j'attendais d'entendre le fameux « appel » du Seigneur, et comme rien ne venait, j'ai envisagé d'autres options. Puis la providence m'a conduit à une certitude à travers diverses expériences (retraite chez les bénédictins, séjour chez les karens en Thaïlande, expérience de chef scout…) et cette certitude ne m'a plus quitté : soit Dieu n'existe pas et alors c'est la jungle du tous pour soi et chacun contre tous ; soit Dieu existe, auquel cas comment pourrais-je vivre sans tout lui donner ? Reste à savoir comment lui donner car les vocations sont multiples et c'est Lui qui appelle.
J'ai alors demandé à rentrer à la maison Saint Jean Baptiste, qui propose une année de discernement. Au terme de cette année et en particulier au cours des 30 jours de retraite ignacienne, le choix de la vie sacerdotale s'est confirmé. L'entrée aux Missions Etrangères s'est faite 3 ans plus tard.
 
Tu es un ancien scout d'Europe, quel a été ton parcours scout ? Que retiens-tu de cette expérience ?
J'ai été louveteau deux ans à la 3e Versailles, puis scout 5 ans à la 7e Versailles, routier un an, assistant et enfin chef de troupe. Il y a beaucoup à dire…
Ce qui me vient immédiatement à l'esprit c’est d'abord que la troupe a été une école d’amitié : les amis que j'y ai trouvé sont comme des frères, peu importe la séparation des kilomètres ou des années, je sais que ce lien ne s’effacera pas. Cette amitié qui continue à me porter s'est forgée dans des expériences uniques vécues à la troupe : dans l'effort, un idéal partagé, les rires, mais aussi les galères surmontées ensemble…
L'apprentissage des responsabilités est aussi très important : c'est une belle aventure de devenir chef à quinze ans, et recevoir la confiance d’adultes pour remplir cette mission de CP fait grandir.
Mes années scoutes m'ont aussi donné le goût pour la rusticité, le baroud, le dépassement, dont j'ai parfois besoin dans ma mission ici : je me mets souvent à chanter et à rire tout seul dans des situations tragi-comiques qui me rappellent certaines expériences de ma vie scoute : coincé dans la boue sous des torrents de pluie alors que la nuit vient et que le premier village est à des kilomètres de là. Comment ne pas faire le lien avec ces soirs de raid, alors que l'on est épuisé et perdu ? La joie que je tire de ce genre de situation me vient de ces années scoutes. Mes prédécesseurs MEP avaient coutume de dire, non sans une pointe d'humour dans les moments de difficulté : « Vive la joie quand même ! ».
 
Le scoutisme t'a-t-il aidé à grandir dans la foi chrétienne ? 
Sans doute… D'une façon peut-être difficilement compréhensible dans le monde actuel, mais puisque vous me posez la question... Aux scouts j'ai découvert que Dieu n'était pas mon pote mais Dieu. Jésus est, d'après Saint Claude de la Colombière le « seul et véritable ami », mais un ami à qui l'on ne pose pas un lapin le dimanche sous prétexte qu'on a fait la fête la veille. Le scoutisme m'a transmis la crainte de Dieu, qui n'est pas un gros mot sorti des geôles de l'Inquisition mais un don de l'Esprit Saint ; un don qui nous aide à comprendre l'immensité de la miséricorde divine : Il est tout et moi pas grand-chose, et pourtant Il m'aime sans mesure. Sans cette crainte de l'esprit, je tomberais probablement dans une forme de foi très sensible qui ne recherche finalement que mon propre bien être. Les scouts m'ont appris qu'il existe des principes non négociables et qu'on ne peut mettre Dieu dans la balance avec un match de rugby ou des vacances entre copains ; aimer quelqu'un sans le prendre vraiment au sérieux et le lâcher à la moindre contrainte, c'est au mieux se servir de lui. Le scoutisme m'a appris que le respect du sacré, s'il ne vire pas à la rigidité conduit sûrement au silence intérieur et à l'amour.
 
Le scoutisme a-t-il eu une influence dans ta vocation et dans ton choix d'entrer aux Missions étrangères de Paris ?  
Sur ma vocation je pense que oui, sur mon choix des missions étrangères je ne crois pas. Quelques aumôniers de la troupe m'ont fait prendre conscience de la beauté de cette vocation ; de plus le scoutisme apprend à chacun à penser au groupe avant de penser à soi, à se dépenser pour ceux dont on a la charge : c'est un terreau favorable pour une vie de prêtre. Mes années de scoutisme ont donc largement contribué, par ce que j'y ai reçu, à faire résonner cet appel de Dieu. L'essentiel des valeurs que j'ai reçu du scoutisme sont des lampes qui éclairent ma mission et ma vie sacerdotale : le don de soi, le service, le sens de la parole donnée…
Enfin, j'ai découvert pendant les camps la joie d'une vie plus simple, au cœur de la forêt ; cela a peut-être contribué à ce désir des Missions Etrangères, et même si je n'ai pas choisi mon pays de mission, le Seigneur fait plutôt bien les choses car les karens auxquels j'ai été envoyé sont un peuple de la forêt et de la montagne.
 
Le service des plus pauvres, l'accueil de l'autre tel qu'il est, sont au cœur de ta mission. Y vois-tu un parallèle avec la pédagogie scoute. L'expérience scoute, avec laquelle les jeunes apprennent à rendre service peut-elle t'être utile aujourd'hui ?
Là où l'individualisme prévaut, les premiers à trinquer sont évidemment les plus vulnérables. Les villages karens sont très communautaires, et en plus du chef de village ou du chef chrétien, un groupe informel d'anciens fait autorité et intervient si un comportement met en danger le groupe. Cependant, cette structure est bien ébranlée : les jeunes partent en ville, l'argent prend le dessus, les télévisions et téléphones font le reste. On commence à voir dans certains villages les symptômes de cette maladie que nous connaissons bien : des enfants laissés à eux-mêmes, des ados accros au portable, des anciens plus ou moins délaissés par leurs enfants, des maris qui s'en vont travailler en ville et ne reviennent plus. Les enfants étaient éduqués auparavant par le village mais quand chacun vit pour soi-même, ces derniers ne sont plus éduqués par personne.
La joie du don, la beauté d’un oui pour toujours, dans la joie comme dans la peine, la paix qui règne dans une société où chacun peut faire confiance à l’autre… A mes chefs chrétiens, aux catéchistes, nous avons transmis le "Si tu veux être chef un jour" de Michel Menu (voir ci-dessous), traduit en karen.
 
Après 5 ans de mission en Thaïlande, peux-tu nous dire ce que tu retiens de ces premières années ?
J'ai passé deux ans dans le monde thaï pour apprendre la culture et la langue thaïlandaise. Etant destiné par mes supérieurs au peuple karen, j'ai ensuite été envoyé dans le nord du pays pour apprendre la langue de cette minorité et me familiariser avec leur mode de vie, très différent des thaïs. Je vais donc probablement passer l'essentiel de mon ministère auprès d’eux. Ils sont originaires de Birmanie et plus anciennement du Tibet. Dans le secteur dont j'ai la charge les conversions sont relativement récentes : entre 10 et 30 ans selon les villages. La culture est traditionnellement animiste, mais le bouddhisme a pris une grande importance. C’est un monde encore peu développé car les karens se sont tenus éloignés des villes et des thaïs pendant longtemps. Le progrès arrive au galop, avec ce qu'il y a de bon mais aussi de pire. Ils sont en train de passer en quelques années du Moyen Age au XXIe siècle, sans transition.
Ce que je retiendrai de ces premières années ?  Que quelle que soit notre vocation, si l'on veut bâtir sa paroisse, son couvent, sa famille, ses projets d'avenir sur le roc, il est bon d'apprendre à faire silence pour tâcher d'écouter quel est le projet de Dieu et de le suivre. Sinon aussi impressionnantes que puissent être nos réalisations, cela ne tiendra pas plus qu'une maison bâtie sur le sable à l'épreuve de la tempête qui vient. Peut-être qu'inconsciemment je suis parti dans ces contrées reculées pour trouver le silence et ma mission m'aide à réaliser que je lui courrai après sans doute toute ma vie ! J'ajouterai pour paraphraser Sainte Thérèse d’Avila que "la patience obtient tout", surtout ici… Patience et confiance sont à la fois les pierres de fondations de ma mission et des objectifs personnels encore loin d'être réalisés !
 
Quels sont tes projets pour les mois/années à venir dans ta mission en Thaïlande ?
Les projets sont multiples : il reste beaucoup de communautés chrétiennes dans mon secteur qui ne sont pas formées, n'ont pas d'église, restent très fragiles. J'espère les voir grandir, se multiplier, leur bâtir une église… Accompagner ces familles karens dans la transition culturelle forte qu'ils vivent : qu'ils gardent la foi, des valeurs solides malgré l'exode rural et la perte d'identité.
Un rêve, ou plutôt une espérance : voir naître dans le diocèse une communauté de moines contemplatifs.
 
 
Si tu veux être chef un jour
 
Si tu veux être chef un jour,
Pense à ceux qui te seront confiés,
Si tu ralentis, ils s’arrêtent.
Si tu faiblis, ils flanchent.
Si tu t’assieds, ils se couchent.
Si tu critiques, ils démolissent.

Mais…
Si tu marches devant, ils te dépasseront.
Si tu donnes la main, ils donneront leur peau.
Et si tu pries, alors, ils seront des saints.

Michel Menu



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