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[QUESTION EDUCATION] Le scout est fait pour servir et sauver son prochain

16 décembre 2021 Education

Avez-vous déjà pris conscience de la force de l’intitulé du 3ème article de la loi scoute ? J’avoue pour ma part en avoir redécouvert l’importance récemment. La radicalité de cette affirmation : « le scout est fait pour servir et sauver son prochain », ne peut pas nous laisser insensible. Cela veut dire que c’est son métier ! Sa vocation ! Il est fait pour cela. C’est sa mission. Pour le dire autrement, en tant que scout, on est institué comme serviteur et sauveur de notre prochain. Cela parait un peu fou quand on y pense.

Cet article appelle à l’abnégation et au don de soi-même, jusqu’au sacrifice de sa propre vie. Pour des générations qui ont connu la guerre et les combats dans lesquels on peut perdre sa vie, ou la donner, tous les jours, un tel principe d’engagement n’est pas très étonnant. C’est noble, c’est chevaleresque et très vertueux, mais ce n’est pas étonnant. En effet, les premiers scouts sont nés en France moins de 10 ans après la première guerre mondiale. Ce que nous savons de la « grande guerre » nous permet d’affirmer que l’héroïsme n’était pas une exception à l’époque. Nous ne vivions pas alors dans une société du « care » dans laquelle on prend soin de soi et éventuellement des autres. Les premiers scouts vécurent leur engagement à l’aune d’une culture du sacrifice qui animait alors la quasi-totalité des familles catholiques.

On peut alors se demander comment cet article 3 de la loi scoute peut-il être accueilli et compris par les scouts de 2021 ou 2022 ? Est-ce pour eux la promesse d’une attitude de bienveillance altruiste ? Est-ce une manière d’exiger de penser aux autres avant de penser à soi ? Est-ce un engagement à passer son brevet de sauvetage ou de secourisme ?

Autant la vocation du service est relativement claire et univoque dans le scoutisme ; autant celle de sauver son prochain est moins évidente. En effet, depuis la BA quotidienne du louveteau qui aide un aveugle à traverser une route jusqu’à l’engagement des routiers qui reconstruise le village de l’Abbaye de Randol, nombreuses sont les activités de service dans la pédagogie vivante du scoutisme contemporain. Mais « sauver son prochain », de quoi s’agit-il ? Un sauvetage ou le salut ?

Le Père Réginald Héret va jusqu’à dire qu’ « à l’image du grand Sauveur de l’humanité, le Scout est un petit sauveur. (…) et c’est avec cette âme prête au suprême service qu’il rend les petits services que la vie ordinaire réclame de lui chaque jour. » C’est en ce sens que l’on ne choisit pas entre sauvetage et salut, les deux dimensions sont parfaitement imbriquées l’une dans l’autre.

C’est parce que le cœur est prêt à tout donner que le petit service du quotidien prend tout son sens et son épaisseur. En tant que catholique, le scout promet, par la grâce de Dieu, de servir et de sauver son prochain en toute circonstance sans attendre d’autre récompense que celle de savoir qu’il fait la volonté du Seigneur. Il peut être conduit à sauter dans une rivière pour sauver un compagnon de la noyade ou tout simplement à mettre le couvert de tout son cœur. « Ramasser une épingle avec amour peut convertir une âme » écrivait sainte Thérèse à sa sœur Léonie. C’est pourquoi « sauver son prochain » ne doit pas attendre des grandes circonstances pour devenir une réalité, cela peut se faire par des petits gestes quotidiens qui témoignent de l’amour du Bon Dieu. C’est en ce sens que l’acquisition des badges, c’est-à-dire de toutes nos petites compétences pour bien agir dans la vie quotidienne, sont d’une grande importance pour le salut de nos frères. Le scoutisme n’est pas un lieu d’acquisition de compétences mais une école de service et d’engagement charitable. Si nous avons des talents, si nous apprenons à réaliser des gestes techniques c’est pour servir et exercer la charité pour le bien de tous. Dans le scoutisme, dans une meute, dans une compagnie, une troupe ou un clan, mais aussi dans une famille et plus largement dans l’Église, tous tiennent une place spécifique, chacun est irremplaçable dans la place qu’il doit tenir pour le bien de tous les autres.

>> Lire aussi : du même auteur, L'éducation à la loyauté

« Sauver son prochain » peut enfin nous conduire à méditer sur la perspective du salut que nous désirons pour nous-même et pour tous ceux qui sont mis sur notre route. Si nous croyons de tout notre cœur que le salut est le but de la vie chrétienne et que cette Espérance de la vie éternelle ne peut pas être le cadeau réservé à une élite, alors nous sommes habités par le désir de prendre part, par grâce, au sauvetage spirituel de nos frères. C’est ainsi que tout ce qui peut aider notre prochain à prendre le chemin du Ciel doit-être fait par amour. Cela va jusqu’à la correction fraternelle qui prend un sens si particulier dans la perspective du salut de nos frères. « Si tu négliges de corriger ton frère, dit saint Augustin, tu deviens pire que lui, qui a péché. »

« Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que c’est aussi sauver son prochain que de l’amener à la foi s’il ne l’a pas ou de l’y ramener s’il l’a délaissée. Il est très scout d’aller au-devant des brebis qui ne sont pas à la bergerie et que le Christ appelle pour qu’il n’y est plus qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur. »[1]

[1] Commentaire de la loi scoute d’après saint Thomas d’Aquin, Père Louis Héret, éditions SPES, 1924

 

Fondateur de Saint-Joseph Education (https://www.saintjoseph-education.fr)
Auteur de "La Voie de l'éducation intégrale"
 



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