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« Le scout est courtois et chevaleresque » [Loi scoute & Vie pro] par Thibaud Brière de la Hosseraye

Autant écrire : le scout est un homme du passé. Fut-il une femme. Qui aujourd'hui se soucie encore sérieusement de courtoisie et d'attitude chevaleresque ? 

A fortiori dans des relations professionnelles où les belles manières sont rarement les premières servies : qui a jamais entendu un "Mais je vous en prie cher concurrent, passez devant moi", un "Nous allons certes nous faire désosser menu par la société qui nous rachète, mais nous disparaîtrons avec panache, nous donnerons notre meilleur comme jamais!" ou encore un "Je vous devais 1000€, voici 3000 parce que vous le méritez" ?

La qualité d'une relation vaut plus qu'un résultat matériel, opérationnel, financier.

Avec la courtoisie et l'esprit de chevalerie, nous quittons la logique du dû pour entrer dans celle du don. Rien dans une fiche de poste n'oblige à faire preuve d'égards, de grandeur d'âme, de noblesse. Et pourtant, c'est dans cet accessoire, invisible pour les contrats, que réside l'essentiel. Ce qui fait la différence professionnellement est l'état d'esprit. Tout est dans la manière. Cette courtoisie et ce comportement chevaleresque sont des "soft skills" particulièrement différenciantes sur le lieu de travail et le scoutisme y prédispose.

"Adopte un scout" pour ton entreprise, parce qu'il a de plus grandes chances d'avoir développé une qualité d'âme singulière. Il a été poli au contact rugueux de la nature et de relations fraternelles avec des gens qu'il n'avait pas choisis et à qui il a pourtant dû apprendre à donner, qu'il a dû apprendre à aimer. Il a surtout accepté de s'obliger à respecter l'article 5 d'une loi autrement plus ambitieuse que les règles de "savoir-être" d'aucune entreprise.

Le scout le sait d'expérience : quand on passe trois semaines de camp les uns avec les autres dans un espace malgré tout limité, chacun doit y mettre du sien, lisser ses manières pour que la vie en commun soit acceptable pour tous, et même si possible exaltante !

Le philosophe Rémi Brague exprime quelque part cette idée avec la clarté qui lui est coutumière en prenant l'exemple de la vie professionnelle des militaires de la Marine : si ceux-ci sont réputés avoir des moeurs particulièrement raffinées, c'est parce que lorsque vous vous trouvez confiné dans un espace réduit - un bateau, un sous-marin - avec des gens que vous n'avez pas choisis, vous devez mettre en oeuvre des trésors de civilité pour rendre la vie sociale possible, sinon agréable.

Combien vaut le sens de l'honneur, chez un artisan, un salarié ou un patron ? Et le Vatican, combien de divisions ? Voilà qui ne peut s'apprécier qu'à qui ne se laisse pas prendre par la glue - l'expression est de Platon - des apparences. Qu'à qui se fait une certaine idée de l'homme et de ce à quoi il se doit, à la maison, en vacances et à la mine, dans les conflits violents comme dans les moments de relâchement.

Il n'y a pas de sens de l'honneur chez qui n'a pas le sens de sa propre dignité et de celle de l'autre. Chez qui ne saisit qu'il s'abaisse d'abaisser et s'élève d'élever les autres, de les faire croître en compétence et de les valoriser, de les reprendre et de les encourager.

"Il n'y a pas de sens de l'honneur chez qui n'a pas le sens de sa propre dignité et de celle de l'autre. Chez qui ne saisit qu'il s'abaisse d'abaisser et s'élève d'élever les autres, de les faire croître en compétence et de les valoriser, de les reprendre et de les encourager." Notre conscience nous le dit : il y a des choses qui ne se font pas. Jamais. Quelles que soient les circonstances. Un homme n'est pas un animal. L'animal, lui, ne tombe jamais plus bas que son espèce.

Reconnaissons-le humblement : nous manquons de courtoisie dans nos rapports professionnels. Sans même parler d'attitude chevaleresque ! Savoir s'effacer, n'est-ce pas l'exact contraire de ce qu'on apprend dans les formations au leadership où il n'est question que de capacité à s'affirmer (assertivité) ?  

Là se trouve sans doute la clé de la conversion de posture à laquelle invitent tout à la fois le scoutisme, l'enseignement des papes et le meilleur du management : parce que c'est bon et efficace, nous sommes appelés à exercer une autorité de service, où celui qui commande a d'autant plus une obligation de "tenue" et de retenue, de noblesse de comportement, que celui qui obéit. Et une telle ambition ne peut être atteinte que si, d'abord, le chef a cultivé sa noblesse d'âme. Voilà bien, aussi, le projet que peut se fixer, pour ses équipes, le scout devenu manageur : cultiver chez ceux qui lui sont confiés une noblesse d'âme favorisant des manières de faire professionnelles empreintes de dignité, voire de grandeur. Qui distinguent. Étonnent.

Ne l'oublions pas : la vie professionnelle, en tant qu'elle constitue un terrain plein de surprises et de rugosités, est un lieu privilégié du polissage des âmes. Au travail, c'est d'abord nous qui sommes travaillés. Les uns se dégradent, les autres s'ennoblissent. Et toi, que choisis-tu ? L'article 5 ou la loi de la jungle ?

 

Par Thibaud Brière de la Hosseraye
Thibaud Brière de La Hosseraye est marié et père de quatre enfants. Il est philosophe en entreprise, conseiller en management, spécialisé dans les nouvelles formes d'organisation du travail et la prévention des risques professionnels. Il est l'auteur de "10 clés pour préparer mon entreprise au travail à distance" (Eyrolles, 2021) et de "Toxic management" (Robert Laffont, 2021). Titulaire d'un DEA de philosophie, diplômé d'HEC et lauréat de l'Académie des sciences morales et politiques, il a été onze ans scout à Paris, dont six de scoutisme marin.
 
 



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